The American Dissident: Literature, Democracy & Dissidence


Lettre ouverte à Gaston Bellemare

[Cette lettre a été envoyée à la presse québécoise (e.g., La Presse, Le Devoir, Le Soleil, Le Couac, La Tribune, et Le Mouton Noir), qui a refusé non seulement de la publier mais également de manifester un quelconque intérêt.

, chef autocrate du Festival International de la Poésie de Trois-Rivières :  Pour la remise en valeur de la poésie engagée, révoltée, et non pas apte à plaire à la petite bourgeoisie.]

Gaston BellemareMon cher Gaston, le 18e Festival International de la Poésie de Trois-Rivières aura lieu sous peu. L'année dernière, j'étais le seul poète invité à critiquer le Festival ouvertement et devant toi. N'est-ce pas curieux que tous les grands éditeurs québécois refusent catégoriquement de publier cette critique ? Ce global « ne correspond pas à notre politique éditorial » ne contient-il pas des relents un peu staliniens ? C'est ça la poésie au Québec ? Comme tu le sais bien, je t'ai déjà écrit à plusieurs reprises vis à vis de mes concernes. Mais toi, tu n'as jamais daigné de me répondre. Oui, je comprends bien quand on est au pouvoir, le silence, c'est la meilleure des armes. Hélas, je suis forcé de porter mon j'accuse au grand public. Espérons bien pour la liberté de l'expression que tous les journaux québécois ne sont pas comme Le Nouvelliste, « Fier partenaire des arts et de la culture », qui refuse également de publier mon avis que le Festival pervertit la poésie en manifestation touristico-grégaire non engagée qui ne dérange aucunement. Comment la poésie a-t-elle été réduite à un tel état pitoyable de vers souriant d'amour nombriliste? Evidemment, désamorcer le genre ainsi sert les politiciens et leurs maîtres les hommes d'affaires. Or la poésie devrait être nettement plus que cela. C'est aussi l'expression des autres émotions y compris la rage, la révolte, et la déception. Plus important même, c'est un engagement à la vérité de sorte que la poésie sert d'épée tranchante contre les mensonges et les hypocrisies de nos sociétés y compris les festivals de poésie. Et de nos jours, qu'est-ce qu'on a besoin d'épées ! As-tu invité Pierre Perrault au Festival ? Car il semble bien qu'il décrive le genre de poésie fadasse qu'on y lit d'année en année : « Les mots sont ébréchés comme une vieille lame qu'on n'ose plus sortir du fourreau. »
Pourquoi les poètes de la Capitale mondiale de la Poésie semblent-ils si contents de réduire la poésie à un état si lamentable ? N'est-ce pas du fait que la poésie en tant que vacuité divertissant se traduit en produit vendable ? Surtout ne dérangez pas au Festival, chers poètes, si vous voulez être réinvités et re-récompensés ! Ainsi, au nom du dieu Piasse, gardez la gueule bien fermée ! Pierre Perrault a bien observé : « La poésie n'existe plus ! » Mais les retombées économiques, si ça existe ! Moi, je ne comprendrai jamais ces poètes qui se disent engagés, puis sont contents de lire au Festival tous les ans sans vraiment jamais provoquer. Est-ce possible que de tels poètes s'achètent si facilement ? Quand le business (québécois et non pas étatsunien !!!) avale la poésie, il avale la vérité itou. Comment est-ce possible que tant de poètes québécois se contentent d'une telle perversion ? Demandez bien au tout puissant dieu Piasse ! Jusqu'à quel point les subventions arrivent-elles à corrompre la poésie et les poètes et même ceux qui se disent indépendantistes ? Claude Jasmin a bien signalé : « Le souteneur a toujours ses privilèges, la putain, elle, le sait. Ne devenons pas les prostitués de l'État. » Alors que Pierre Falardeau a remarqué : « Je suis certain que chaque cinéaste, intellectuel, écrivain, sait très bien de quoi ne pas parler s'il veut survivre. » Mais ne serait-il pas mieux et nettement plus noble pour un poète de ne pas fermer la gueule et souffrir les conséquences ? Saro-Wiwa et Lorca l'ont fait. Malheureusement, pour les poètes du Festival, y compris les poètes indépendantistes, la réponse c'est un non catégorique.


Gaston BellemarePermets-moi de t'expliquer pourquoi je continue à critiquer les poètes et leurs divers événements et non seulement aux Etats-Unis, comme c'est évident, mais aussi au Québec. Claude Jasmin a écrit que « Les critiques d'ici sont parfois d'une complaisance totale. » Eh bien, moi, je ne suis ni un critique « d'ici » ni « d'une complaisance totale. » Au contraire! Ainsi, si nous les poètes choisissons de critiquer les autres secteurs de nos sociétés, comment éviter de faire pareil en ce qui concerne le nôtre, c'est-à-dire celui de la poésie, sans perdre de la crédibilité? Si je pouvais seulement te convaincre un tout petit peu de l'importance d'assurer et d'encourager la critique du Festival lors du Festival... même sous forme de poésie ! Je pense que si tu faisais cela, tu aurais moins de problèmes de la part de ces contestataires « plutôt jeunes et embêtants » qui s'y trouvent apparemment chaque année. N'est-ce pas quand-même un petit peu gênant pour toi et pour les poètes invités de devoir appeler la police pour se débarrasser de ces poètes contestataires ? Pour encourager la critique donc, il faut inviter des gars comme moi, et si toi t'en as eu assez de moi-qu'importe ?-il doit y en avoir d'autres poètes révoltés qui osent. Il suffirait sans doute d'en chercher… bien que durement et longuement.


Enfin, un bon poète n'est pas forcément aimé par tout le monde, heureux, souriant, poli, obéissant, amical, membre de clique de poètes, archi-publié dans les revues produites par ces cliques, ni archi-lauréatisé grâce aux amis bien placés. Un bon poète peut être également un maudit, insubordonnée, et révolté qui ose gueuler même quand les règles BCBG l'interdisent. Il faut nettement plus d'ouverture envers le côté négatif/critique de la poésie. Pourquoi ne pas inclure quelques commentaires critiques sur le site Web du Festival, et quelques plaques consacrées aux vers des poètes courageux dans les coins des rues trifluviennes ? Trop de positivisme sonne faux, même fasciste. L'argent est en train de pourrir la poésie et non seulement à Trois-Rivières. Gaston, tu reçois $600,000 annuels pour le Festival. C'est énorme et sans doute le plus d'argent dépensé par n'importe quel pays pour une manifestation de poésie. Bravo, un record Guinness ! Mais est-ce vraiment pour promouvoir la poésie… ou plutôt la ville de Trois-Rivières et sa clique de poètes aux dépens de la poésie même ? A propos, félicitations pour ta nomination comme Président de la Fédération de la poésie. Mais qu'est-ce que c'est que ce poste ? Depuis quand les poètes ont-ils besoin de présidents, gérants, trésoriers, et fédérations ? Est-ce pour faciliter l'exclusion et l'enterrement de poètes maudits ? Cette fédération sonne aussi faux que l'American Academy of Poets qui demande $2,500 pour accéder au cercle exclusif des membres privilégiés. Comment ne pas citer Léo Ferré ? « La poésie fout l'camp Villon ! y'a qu'du néant sous du néon. »